L' Histoire & L' Art

MARQUIXANES L’ADORATION DES SAINTS

L’ADORATION DES SAINTS

 L’ÉGLISE DE MARQUIXANES

L’ADORATION DES SAINTS permet de comprendre les choix décidés lors des premières commandes de retables baroques au 17ème   ; Ils ont  confirmé l’influence, depuis au moins les 7 siècles précédents,  du culte à Marie que propage l’ordre des Bénédictins depuis Saint Martin du Canigou.

Avec saint Maurice, 13 ou14ème siècle commence peut être l’influence de l’église hispanique et le culte des saints qui restera très présents auprès des fidèles du village jusqu’au XXe.

Sur les retables  suivants, les Franciscains influenceront beaucoup de décisions après celles du  Concile de Trente XVIe ; une grande ouverture d’esprit ira puiser des exemples au Nord, en Italie et au Sud.

Enfin, le saint laboureur local, saint Gaudérique est très présent dans la ferveur marquixanaise.

L’INFLUENCE DES ÉGLISES D’ESPAGNE ET DE FRANCE  SUR L’ADORATION DES SAINTS

Les évêchés de la  Catalogne Nord sous influence de l’église hispanique pendant très longtemps  restent attachés au culte des saints, l’influence de l’église de France commencée juste un peu après le traité de Péronne en 1640 a connu des difficultés d’annexion de ces territoires sur plus d’un siècle. Les luttes d’influence entre le politique, le clergé régulier et séculier et la papauté ont compliqué l’application du traité des Pyrénées de 1659.

Nous nous proposons de faire une lecture de ces influences au travers des saints  présents sur Marquixanes, soit sur les saints patrons, soit sur les retables, soit sur deux pèlerinages très fréquentés (Calahons et Domanova à Rodès). Nos aïeux, tout au long de leur vie ont vécu, entendu, répété sans cesse cette catéchèse enseignée autour de ces saints, très didactique à partir du concile de Trente (XVIe). Une partie de la culture locale y est profondément enfouie.
Tout d’abord Marquixanes est  resté attaché à l’abbaye de Saint Martin du Canigou jusqu’en 1782 date de sa sécularisation. La première mention du village remonte à 1007 à l’occasion d’un don à l’abbaye par Miron et sa femme de deux pièces de terre situé à Marquixanes. Notre territoire est ainsi resté presque 8 siècles, sous domination exclusive des premiers bénédictins en Roussillon. Ces premiers moines sous la règle de saint Martin de Tours  se sont implantés à Saint Michel de Cuxa et Saint Martin du Canigou aux IX et Xème siècle.

(Selon Raymond Sala RS: Sous l’impulsion des Bénédictins, la première vague monastique en Roussillon propage le culte de Marie aux XIe  et Xe siècle en Conflent)

L’ADORATION DES SAINTS sainte eulalie

L’ADORATION DES SAINTS MARTYRS

Notre église dédiée à sainte Eulalie (de Mérida) et sainte Julie est celle que nous admirons aujourd’hui agrandie au XVIIème siècle. La première mention d’une église sûrement romane, dont on aperçoit encore quelques vestiges sur le clocher, date de 1025 lors d’un échange réalisé par l’évêché d’Elne.  Excepté cet intervalle de temps d’un siècle 1425 -1522 où est mentionnée une église saint Maurice, le nom de sainte Eulalie est couramment utilisé. Avec Sainte Eulalie, Marquixanes est au cœur de l’actualité du XIème siècle, si la Marche  d’Espagne aux Xe et XIe siècle est un carrefour de la chrétienté tournée vers Rome, (RS) c’est au retour de Saint Jacques de Compostelle en 1069 que Gausfred II comte de Roussillon, ramena les reliques des saintes Eulalie et Julie patronnes du diocèse d’Elne : les Hispani se replient en Septimanie avec le culte de leurs saints pendant l’exode qui les chassa de l’Espagne musulmane !

Deux documents mentionnent une église saint Maurice en 1425 et 1522 lors de legs  d’après l’abbé Cazes. Un certain nombre d’hypothèses récentes  datant de 2014 configure bien les vestiges d’une église intermédiaire avant celle du XVIIe. (RS) La naturalisation des saints est une pratique courante en Catalogne Sant Jordi……saint Maurice entraine ses soldats de la légion thébéenne dans le sacrifice à Caldes de Malavella au Nord-Est de Géronne.

Voir l’hypothèse des 3 églises successives

Les noms de nos deux fêtes patronales de sainte Eulalie le 8 décembre et de saint Maurice le 22 septembre sont donc bien d’influence hispanique.

L’ADORATION DES SAINTS vierge romane du xiv siècle

Vierge romane du XIVe

Notre Dame d’Espérance est une vierge romane,  pourrait remontée au XIVe . Voir notre page vierge romane

 

Les deux pèlerinages connus depuis plusieurs siècles :

Les marquixanais connaissent depuis longtemps deux pèlerinages Domanova à Rodès et Saint jacques de Calahons  à Catllar qui ont vécu jusque vers la fin du XXe et pour Calahons, l’aplec a toujours lieu le 2 mai  pour les gens de Marquixanes . A l’origine de l’engouement des conflentois, pour Domanova, la légende de l’apparition de la vierge sous un genévrier qu’un agneau égaré fait découvrir à son berger et les miracles successifs entretiennent la ferveur pour la mère de Dieu. Voir la page de Jean Tosti : histoire de Domanova

Saint jacques de Calahons : dépendant du village de Catllar, le lundi de Pâques l’ermitage  voit arriver des pèlerins de Catllar mais aussi de Marquixanes. Depuis là aussi une éternité, les gens processionnent vers Saint jacques « capable de retenir les orages » qu’ils redoutent. On implore tout simplement le ciel, là enfer, selon des traditions païenne pour protéger ses terres nourricières.

Voir la page d’Yvan Marquié : saint Jacques de Calahons

L’ADORATION DES SAINTS sur chaque retable

LES RETABLES DE L’ÉGLISE DE MARQUIXANES

 

Par ordre chronologique évoquons les retables- protecteurs célestes-  arrivés au XVIIème, après le concile de Trente terminé le 4 décembre 1563 :

 

Le retable du maître autel – sculpté en 1692 – dédié aux saintes Eulalie et Julie présente sur une partie de la prédelle le supplice de sainte Eulalie. Saint Paul  piétinant un soldat romain et saint Pierre, les deux apôtres entourent les deux grandes statues des saintes.

Le retable du Rosaire – 1630-1640 – un retable prébaroque parmi les plus anciens. Il pourrait être le retable du maître autel de l’église saint Maurice ( ?).  L’Immaculée Conception étant confirmée par ces travaux de Trente, la dévotion à Marie ancienne en Roussillon, il était naturel que les premiers retables du Rosaire s’élèvent dans les chapelles. L’intervalle de temps 1630-1640 place le retable de Marquixanes au moment d’une première mention de commande d’un retable du Rosaire passé en 1643 par la confrérie du Rosaire au couvent des Dominicains de Perpignan et réalisé par Lazare Tremullas. L’ordre mendiant des dominicains, les frères prêcheurs et mineurs s’installent aux XIIIe et XIVe, avec Dominique de Guzman  combattant l’hérésie cathare au Nord  qui va fonder au Sud à Barcelone un premier couvent. Retenons parmi les trois statues (rapportées ?) présentes sur le retable outre celle de  Notre Dame du Rosaire, saint Maurice (ancienne église saint Maurice? voir ci-dessus)

Le retable du Christ gisant avec une statue de la vierge des sept douleurs, placée dans la même chapelle que celui du Rosaire traduit un autre enseignement du Concile de Trente  l’Eucharistie. Ce retable fait office de retable du Saint Sacrement.

Le Retable de Notre Dame du bon Remède vers 1675 – Ce retable de la famille Mas suggère de faire appel à Notre Dame du bon remède lorsque vous rencontrez des difficultés pour obtenir de l’aide. Le culte marial. En l’an 1198 Saint Jean de Matha (1160-1213) fonda l’ordre de la Sainte Trinité pour lutter contre le marché des esclaves chrétiens capturés par les musulmans. Sous la protection maternelle de la Vierge Marie, il rencontra un tel succès qu’en reconnaissance pour son aide miraculeuse qu’il proposa d’honorer la vierge Marie sous le titre de « Notre-Dame du Bon Remède » chaque 8 octobre. Voir la page internet canalblog : notre dame du bon remède La vierge sur sa cadireta devait processionner à cette date dans les rues de Marquixanes.

Le retable de saint Antoine de Padoue – vers 1720 – (toujours en cours de restauration en 2016 )

Trois scènes des miracles de saint Antoine de Padoue (commémoré le 13 juin) soulignent un peu plus l’influence franciscaine et dans ce cas l’influence de l’Italie après le contre réforme. ( de RS ) « Il est très vénéré en Catalogne après avoir accompli un miracle à Perpignan : descendu du ciel, saint Antoine arrache des mains du bourreau un de ses dévots qu’il transporte par la même voix aérienne devant son autel dans l’église des Franciscains ». Il sera invoqué pour exaucer un vœu et accessoirement pour retrouver des objets. En haut du retable une petite statuette de saint Thérèse d’Avila (franciscaine) : sainte patronne des écrivains espagnols, fêtée  le 15 octobre elle a vécu au XVIème siècle et fondé plusieurs monastères du Carmel.

Le retable de la Sanch : -1701 –  un retable avec un thème central, imposant avec la Crucifixion, saint Jean l’Évangéliste, et à gauche la sainte Vierge.

La semaine sainte en Roussillon est l’occasion de manifestations grandioses attirant une foule nombreuse et enthousiaste. Le pèlerin devient acteur de multiples scènes de la passion. Les débordements étaient fréquents avant le Concile de Trente où sacré et profane se confondaient parfois. L’Archiconfrérie de la Sanch, créé en 1416 par le franciscain saint Vincent Ferrer existe toujours et processionne encore le jeudi Saint avec ses pénitents.

Le retable de saint Joseph  – 1762 – décidée par Rome en 1621, sa fête le 19 mars .

Il épouse Marie et, acceptant l’enfant, il devient le père nourricier de Jésus, représenté souvent dans son atelier de charpentier. Saint Patron des travailleurs manuels il représente beaucoup dans un village du Conflent pour les nombreux brassiers. De nombreux saints figurent sur ce retable : saint François Xavier (missionnaire jésuite a vécu au XVIe), saint Nicolas de Tolentin  (a vécu au XIIIe en Italie, ermite augustin appelé au service des pauvres et déshérités), sainte Catherine d’Alexandrie (vierge et martyre égyptienne du IIIe fêtée le 25 novembre pour les catherinettes), saint Michel, sainte Lucie , ils représentent les nouveaux saints de la Contre-Réforme.

Le retable de saint Sebastien   – 18e siècle –

Encadrant les statues  à gauche, saint François d’Assise, à droite, sainte Claire , la scène du martyre de saint Sébastien qui figure au centre se situe sur la grève de Barcelone. Saint martyre romain, Sébastien, serait né à Narbonne et souvent invoqué pendant l’épidémie de peste encore très présente dans les esprits du 18e siècle ce qui pourrait expliquer sa présence à Marquixanes.

Avec Saint François d’Assise , c’est  l’ordre mendiant des franciscains – XIII e siècle qui influence le commanditaire de ce retable. Partant pour Saint Jacques de Compostelle, il se serait arrêté à Perpignan vers 1215 ? (RS) ; ils fondent une maison à Vinça après 1580. Claire d’Assise, de la riche bourgeoisie italienne qu’elle quitte pour adopter le mode de vie de François d’Assise rédige une première règle de vie commune d’une maison de femmes.

Le retable de saint Gaudérique : – 1742 –

Le tableau représentant saint Gaudérique est peint en 1745, et signé  Rieudemont. Le grand retable baroque aves cette débauche de décors laisse la place avec l’église post-tridentine marquée par la piété française à un simple tableau au centre du retable.

Gaudéric de Viéville dans l’Aude est un saint local de la catalogne Nord, et il est vénéré, ces reliques disputées voire très disputées dans tout le Roussillon. Ce saint agraire souvent appelé contre la sècheresse, contre la peste a élu domicile sur un retable de Marquixanes terre de culture et terres rattachées à saint Martin du Canigou détenteur un temps de ses reliques. (RS) : Autour de l’an mil, les moines de Saint Martin du Canigou dérobent les reliques de saint Gaudérique à Viéville près de Mirepoix…(Parfois appelé retable de saint Isidore, laboureur comme lui, dans certains inventaires ignorant cette distinction locale) Le saint Gaudérique processionne toute l’année entre Saint Martin du Canigou et la plaine autour de Perpignan lors de sécheresses importantes en déplaçant des populations considérables sur son passage. Ses reliques ont fait aussi l’objet de multiples conflits entre communautés, elles seraient aujourd’hui à Perpignan depuis 1784 et une partie à Ponteilla depuis 1781 après la sécularisation de Saint Martin du Canigou.

Voir notre page les retables de Marquixanes

 

 

L’ADORATION DES SAINTS CHAPELLE SAINT PONS 2010

La chapelle saint Pons : – vers 1800 –

Chapelle érigée par quelques familles  sur un ancien cimetière situé à l’emplacement du bâtiment de la mairie , a été reconstruite après 1864 à proximité du cimetière actuel.

(RS) Après saint Martin, saint Saturnin avec 10 sanctuaires est le chef de file des saints « français de nation »…..saint Pons de Candell dans la vallée du Bulès. Saint Pons, martyrisé en 257,  aurait prêché dans la vallée de l’Ubaye dans le département des Alpes de Hautes Provence ; plus près de nous l’église Saint-Pons de Candell est une église de style roman située au hameau de Candell sur la commune de Caixas(66). Faut-il voir là le lien avec une raison connue des deux  seules familles ayant construit cette chapelle ?

voir l’article chapelle saint Pons

Je me suis inspiré du volume écrit par Raymond Sala « Dieu  le Roi  Les Hommes Perpignan et le Roussillon (1580-1830  )dont je vous recommande la lecture.

 

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A propos de l'auteur

Jean-Mary Militon